Tuesday, November 30, 2004

Les confessions de Philippe Labro

Catherine Vincent: une spécialiste de l'actualité des media. Elle désirait un portrait de Philippe Labro qui venait animer notre causerie au coin du feu du jeudi soir. Au départ, le sujet de cette discussion devait être "Direct 8" la future chaine TNT de Vincent Bolloré dont labro assure la présidence mais très vite cette séance s'est révélée être un hors sujet complet où à toutes nos questions, Philippe nous récitait sa vie et son oeuvre en nous recommandant maintes fois la lecture de ses chefs d'oeuvre! Bref, deux heures de comtemplation d'un des égos les moins modestes de Paris. A la remise des copies, la prof n'a pu nous mettre une note tant nous avions été incapable de répondre à son angle! A ce titre, à l'occasion du 1er avril, libération a fait unpoisson hilarrant "Un de nos leteurs nous a informé que vers trois heures du mat', direct 8 a expérimenté des problèmes de diffusion, Vincent Bolloré a alors repris l'antenne et a passé les deux heures qui suivent à lire à haute voie le dernier roman de Philippe labro". Blague qui résume à elle toute seule le personnage "larger than life"! Et j'étais si peu inspiré par l'exercice que mon pooopa m'a donné un grand coup de main sur celui-là!

Souriant, élégant, costume anthracite et chemise bleu pâle, le cheveu blanchi mais le brushing impeccable, c’est un Philippe Labro tiré à quatre épingles qui pénêtre dans la « newsroom » de l’école de journalisme de Sciences Po, avec trente minutes de retard dont il s’excuse. L’auditoire attend de cette figure historique du métier qu’il lui fasse partager son expérience d’une carrière atypique et multiple qui l’a vu tour à tour ou simultanément reporter de presse écrite et de télévision, animateur puis patron d’une grande radio, cinéaste, parolier, romancier.

Mais d’abord, petite leçon de journalisme d’un aîné à ses cadets. Relevant et corrigeant au passage quelques inexactitudes dans sa biographie, Labro dénonce l’ennemi : l’approximation. « Notre domaine est celui des faits, il faut toujours vérifier ses sources, en avoir au moins deux, sinon on n’est plus que dans l’hypothèse ».

Entre presse écrite et audiovisuel, Philippe Labro ne choisit pas. « J’ai toujours eu le goût d’écrire, j’ai toujours eu la curiosité du monde », dit-il, »je suis entré en journalisme avec une envie de savoir, de m’exprimer et de me montrer. J’ai été saisi très tôt par le bug du journalisme ».

Un bug, vraiment ? En tout cas une vocation précoce puisque c’est à treize ans que, vainqueur d’un concours organisé par Le Figaro, il dirige Le Journal des jeunes, supplément du quotidien publié le temps du Salon de l’Enfance. Après quoi, titulaire d’une bourse Fullbright, il découvre les Etats-Unis où il étudie et pratique le journalisme dans le cadre d’une filière alors très novatrice. De retour en France, il se sent le devoir de participer à la guerred’Algérie, « expérience commune à toute une génération » Collaborateur du journal de l’armée, Bled , il frappe à toutes les portes et son audace est récompensée puisque il est engagé à Europe 1, dès 1956, puis est distingué par Pierre Lazareff, directeur légendaire de France-Soir qui le sacre, à vingt ans à peine passés, comme grand reporter. De là, il passe, toujours avec « Pierrot les bretelles » à la non moins légendaire émission des Cinq colonnes à la Une. Il y couvre de nouveau, mais cette fois come jornaliste à part entière, la guerre d’Algérie, bravant pressions politiques et menaces physiques. « Je vivais dans la précarité et la sensation d’un danger permanent ».

Puis c’est la radio, « école du direct et de la spontanéité, qui exige un contrôle permanent de soi-même face à toutes les surprises du direct », et l’irrésistible ascension jusqu’au poste de directeur de RTL qu’il occupera pendant plus de quinze ans. « Etre patron, ça se mérite », plaisante-t-il. Mais autant Philippe Labro est disert sur sa trajectoire et ses succès, autant il est discret sur les coulisses du spectacle. A un élève qui lui demande s’il n’a jamais subi de pressions des industriels propriétaires de RTL, il ne répond que par un silence peu éloquent. De même se contente-t-il, à propos de Cinq colonnes, de proclamer, sans autres précisions, de proclamer qu’il n’a jamais failli à la déontologie.

Ayant ainsi, élégamment, botté en touche, Philippe Labro est manifestement heureux qu’on le ramène sur le terrain de l’écriture, sa grande passion. N’a-t-il pas, en sacrifiant à l’art du portrait, avant-hier dans les colonnes de France-Soir, hier à la télévision dans Ombres et lumières, jeté des passerelles entre littérature et journalisme ? Pour lui, il n’y a pas de différence, ni de style ni de dignité entre l’une et l’autre. Le journalisme est la continuation de la littérature à travers d’autres médias et vice versa. Du reste, a-t-il jamais fait autre chose que de faire de sa vie un roman qu’il a mis dans ses livres ?

Derrrière la désinvolture de l’homme blasé, derrière l’assurance de l’homme qui a réussi, derrière l’apparente décontraction du grand baroudeur, on devine une fragilité, une angoisse, des interrogations dont Philippe Labro ne fait pas mystère. N’a-t-il pas consacré son drnier ouvrage àsa lutté contre la grande dépression, pas celle de 1929, celle qui frappe chacun d’entre nous, ou presque ? « Je sais écrire, j’ai vouu raconter une épreuve que traverse un Français sur cinq. Mon témoignage pouvait les aider ». Et d’inviter à lire ce livre, et tous ses autres livres, d’ailleurs, dont les titres ont émaillé son intervention.

C’est là, la plume à la main, qu’il se confie, plus qu’au micro ou devant les caméras. Actuellement consultant auprès de Vincent Bolloré pour le compte de qui il travaille au lancement de Direct 8, Philippe Labro ne s’étendra pas sur ce projet, pas plus que sur la grande aventure de la télévision numérique terrestre (TNT). D’ailleurs, il est temps de lever la séance. On n’en saura pas davantage ni sur ce sujet ni d’ailleurs sur la réalité du journalisme. Labro pratique en grand professionnel l’art de parler d’abondance, en particulier de ce qu’il a publié, et d’en dire le moins possible sur ce qu’il a vraiment vécu au long d’un demi-siècle de journalisme.

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