Paris tout accessible : le défi
Chol/Kravetz/Muhlmann : Une autre enquête de terrain pour le trio effectuée en duo cette fois avec Sarah. Au centre du projet un cahier spécial sur les politiques publiques de la ville de Paris à mi-mandat de Bertrand Delanoe. Ce sujet me concernant personnelement, je n'ai pas hésité à enfourcher le cheval de bataille! Un papier cocasse où nous avons courru pendant deux semaines desespérement derière un responsable dela ville de Paris pour que celui-ci nous accorde une interview! Très vite nous avons retenu l'idée d'une architecture en deux temps: papier général et encadré spécialisé. Fascinant ausside voir aussi la rapidité avec laquelle Sarah travaille en une matinée, les interviews furent bouclées et le papier commencé et achevé!
Paris tout accessible : le défi
« Un enjeu de société majeur : traiter dignement les personnes handicapées. [Cet enjeu] est au cœur d’un projet collectif qui engage chaque citoyen ». Ces mots sont tirés de la communication de Bertrand Delanoë du 7 juin 2004, en direction des personnes handicapées.
Les grands progrès de la mobilité
C’est que le Maire de Paris affiche une volonté évidente d’améliorer les conditions de vie des personnes handicapées dans la capitale. La communication du conseil de la ville ne fait pas moins de 11 pages de promesses ambitieuses mais pourtant essentielles. Transports, intégration, accès à la culture, solidarité… aucun champ d’action n’est oublié. Du moins sur le papier.
Dans les faits, un champ particulièrement visé, celui de la mobilité. De toute évidence, c’est ce poste qui mobilise le plus les crédits de la Mairie de Paris. Des crédits qui ont été multipliés par dix depuis l’arrivée du maire socialiste à l’Hôtel de Ville, passant de 2,4 millions d’euros à 25 millions d’euros (hors aides sociales) votés en 2004. La preuve matérielle pour le cabinet de Pénélope Komitès, adjointe au Maire chargée des personnes handicapées, que Bertrand Delanoë est décidé à changer les choses pour les personnes en situation de handicap.
« On ne parle pas de promesses, mais d’engagements. Globalement, notre politique est basée sur ‘l’intégration’ des personnes handicapées. Quand on voit la part du budget consacrée aux personnes handicapées être multipliée par dix, c’est une vraie démonstration de volonté », affirme Frédérique Tarride, conseillère technique à la Mairie de Paris.
Depuis 2001, les travaux s’enchaînent, pour moderniser les transports, la voirie. « Nous faisons un travail évident sur la mobilité et les déplacements. Il s’agit de mettre des bandes podo-sensorielles, et des feux sonores pour permettre aux non-voyants de traverser en toute sécurité. Rabaisser les trottoirs pour permettre le passage d’un fauteuil », déclare Frédérique Tarride. Des services comme le PAM (Paris Accompagnement Mobilité, lancé en octobre 2003) ont été mis en place, pour permettre aux personnes handicapées de bénéficier d’un service de chauffeurs mis à leur disposition. Dernière grande avancée, le lancement le 27 septembre du service « G7 horizons » (voir encadré).
Des progrès reconnus unanimement, par les officiels et par les associations. Le baromètre de l’accessibilité, réalisé par l’IFOP pour l’APF (Association des Paralysés de France), place ainsi Paris en en tête des villes les plus accessibles en ce qui concerne les transports. Les transports de la capitale sont accessibles à 37% aux personnes handicapées. « De gros progrès ont été réalisés pour la voirie et les transports en commun. Les bus aujourd’hui vont bientôt tous être équipés de rampes et de paliers automatiques. Ca avance bien », estime Jean-Marc Bernard, responsable accessibilité à la délégation parisienne de l’APF.
Une fierté pour le cabinet de Pénélope Komitès. « Nous avons mis particulièrement l’accent sur les réseaux de surface, comme le réseau de bus, avec 22 lignes totalement accessibles. Tous les nouveaux projets votés doivent être accessibles, pour tous les handicaps : moteurs, sensoriels, mentaux. Il y aura des inscriptions en braille, en pictos… », explique Frédérique Tarride.
Un chemin à peine entamé
Mais le secteur des transports n’est pas le seul dans lequel Bertrand Delanoë a promis de nets progrès en matière d’accessibilité. Dans les actes, c’est un autre constat qui s’impose. Si la volonté est affichée, les réalisations sont jugées trop ponctuelles par les associations de représentation des handicapés. « Les promesses sont plutôt bien accueillies puisqu’elles se réalisent. Mais dans les lieux publics, la loi n’est toujours pas respectée. Lors de nos visites de contrôle, on émet toujours environ un tiers d’avis défavorables, ce qui est beaucoup », déclare Jean-Marc Bernard.
Le classement des villes les plus accessibles, réalisé par l’IFOP pour l’APF, ne dresse pas un tableau forcément très reluisant des services offerts aux personnes handicapées dans la capitale. Cette étude, réalisée du 5 au 16 juillet 2004 dans 22 villes françaises, offre une base solide et empirique aux revendications des associations de représentation des personnes en situation de handicap face à la Mairie de Paris. Pour Paris, trois arrondissements jugés représentatifs : les 5ème, 7ème et 13ème arrondissements.
Premier constat, Paris n’est que la 9ème ville de France au palmarès de l’accessibilité. Avec un taux de 41,6% de ses établissements accessibles, elle est très légèrement au dessus de la moyenne nationale, mais est largement devancée par Strasbourg (58,6%), Besançon (54,8%) ou Bordeaux (51,5%).
Des taux qui révèlent toutefois des disparités importantes lorsque l’on compare les différents domaines d’accessibilité. Première dans les transports, Paris est en retard par rapport à d’autres villes françaises dans d’autres domaines. En ce qui concerne les bureaux de poste, l’accessibilité de Paris n’est que de 79%, faisant pointer la ville à la 8ème place. Et le constat est encore plus inquiétant en ce qui concerne l’accessibilité aux salles de cinéma (30% soit la 16ème place) et aux commerces de proximité (50% tout juste soit la 13ème place).
Jean-Marc Bernard explique ces disproportions : « Dans les commerces, notre situation est plus compliquée. Les établissements de cinquième catégorie, c’est-à-dire ceux d’une capacité de moins de 200 personnes, doivent obéir à la loi mais ne sont pas contrôlés, donc ils passent au travers ».
Autant dire que les chantiers à réaliser sont encore innombrables. Jean-Jacques Darmengeat, secrétaire général de l’APAJH (Association pour jeunes et adultes handicapés), déclare : « Des efforts on été faits, c’est indéniable. Mais ce sont toujours des réalisations ponctuelles, sans globalité. Il reste énormément à faire pour l’accueil technique mais surtout humain des personnes handicapées et de leur familles. Il faut penser surtout à la formation des personnels. Faire asseoir quelqu’un qui a du mal a rester debout, mettre à portée de main un objet difficile à atteindre. Ce sont des gestes simplement humains auxquels le personnel ne pense presque jamais ».
A la Mairie de Paris, on affirme mesurer l’ampleur des réalisations à accomplir. « On accueille les critiques tout à fait bien, on ne vit absolument pas dans l’autosatisfaction. Il reste beaucoup de choses à faire d’ici 2007, et même après. Nous accusons un retard certain par rapport aux pays du Nord, notamment la Suède. On avance, même si on est conscients que l’on n’est pas encore arrivés », dit Frédérique Tarride.
L’APF elle, se dit satisfaite des avancées accomplies : « La politique est bonne par rapport à celle de Jean Tibéri qui lui n’avait aucun remord à dire que les personnes handicapées n’étaient pas sa priorité. Au moins Bertrand Delanoë les a remis au centre de sa politique, et les bonnes intentions sont suivies de réels progrès », déclare Jean-Marc Bernard.
Reste le problème persistant de l’impact des actions de la Mairie de Paris. Car moderniser les transports ne fait pas tout. « On reçoit beaucoup de lettres de gens qui nous disent qu’ils rencontrent des problèmes de civisme. Des gens qui se garent sur un emplacement réservé, qui ne font aucun effort », explique Frédérique Tarride. « Globalement, il faut changer le regard que les gens portent sur les personnes handicapées. Notre boulot, c’est de casser les idées reçues », ajoute-t-elle.
Un problème qui dépasse le seul cadre de la politique vers les personnes handicapées. « Ici on ne parle pas que des personnes en fauteuil. Il y a aussi tous les handicaps sensoriels ou mentaux. Mais surtout, tout ce qu’on fait pour les personnes handicapées servira aux personnes âgées par exemple, qui elles aussi parfois ne peuvent pas se déplacer. Il faut former, sensibiliser, informer. Ce qui rend la vie plus facile aux uns, la rend plus facile aux autres. Ce qu’on fait, on le fait pour tout citoyen », déclare Jean-Jacques Darmengeat.
Sarah BENLOLO & Constance JAMET
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TAXIS POUR HANDICAPES,CE N’EST QU’UN DEBUT
« Allo, G7, je voudrais réserver un taxi pour fauteuil roulant... ». Depuis le 27 septembre, circulent à Paris une quarantaine de taxis aménagés pour les handicapés. Le service G7 Horizon[1] est le dernier-né de la politique dynamique de la mairie de Paris en matière de transport et de handicap mais il connaît des débuts difficiles.
A l’origine, le vœu en 2002 du président de la compagnie, André Rousselet, de développer un « projet citoyen » : des taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite. Il y a alors urgence. Seuls deux des 14 000 taxis parisiens peuvent accueillir des clients en fauteuil alors que la capitale compte 12 000 personnes handicapées. La G7 s’associe à l’APF (association des paralysés de France) pour répondre de manière optimale aux besoins des handicapés. Christophe Lévèque, directeur de la flotte et des services de la compagnie G7, se souvient : « L’APF nous a beaucoup aidé en testant le matériel. Grâce à elle, nous avons baissé la hauteur du siège et corriger les à-coups du moteur. Mais surtout, nous avons créé des taxis discrets également destinés aux personnes handicapées et aux valides donc beaucoup moins discriminants que les ambulances. Ce système est complémentaire du service PAM (Paris Accompagnement Mobilité) : les G7 permettent une organisation plus souple, nos clients n’ont pas besoin de prévoir leurs sorties une semaine à l’avance ».
Deux modèles seront retenus : un véhicule à siège pivotant et un à rampe d’accès. En 2004, la G7 se trouve un autre partenaire : la mairie de Paris qui propose de subventionner une partie des travaux d’aménagement du taxi à hauteur de 10% et lance un appel d’offre, la région Ile de France et la G7 couvrant respectivement 50% et 10% des frais. Les 30% restant soit 15 000€ sont à la charge du chauffeur qui est volontaire. Un moyen pour Christophe Lévèque de s’assurer de sa motivation: « En Belgique, tout a été subventionné et cela ne se passait pas bien, les chauffeurs n’étaient pas prêts à assumer la charge de travail supplémentaire.»
Pourtant, deux mois après le lancement de l’opération, les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions. « Nous n’enregistrons qu’une cinquantaine d’appels par jour ce qui est peu mais nous attendons beaucoup du bouche à oreille» explique Pacale Sœur, directrice de la communication de la G7. Christophe Lévèque déplore aussi le retard pris sur le calendrier à cause de tracasseries administratives. Les quatre véhicules avec rampe n’ont pu entrer en activité que le 2 décembre, la direction des Mines ayant posé des conditions draconiennes d’homologation des véhicules. L’association Yanous[2] comme l’APF dénonce le prix de la course – la prise en charge peut atteindre 20€- et les délais –entre 20 et 40 minutes d’attente- dus au nombre insuffisant de véhicules desservant l’île de France. Christophe Levèque est bien conscient de ces difficultés. « A terme, si tout se passe bien, notre objectif serait de créer une flotte de 150 taxis et en multipliant les courses d’améliorer la rentabilité de l’opération pour les chauffeurs qui devront remplacer leurs véhicules tous les cinq ans ». Mais Jean-Marc Bernard de l’APF se veut rassurant. « Tous les retours, en grande majorité des personnes âgées, que nous avons eu sont enthousiastes». Premier bilan dans six mois…
Constance JAMET
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[1] Téléphone 24h/24h, 7j/7 : 01.47.39.00.91
[2] Association basée sur le web qui recueille et publie des informations pour les handicapés francophones
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