Après le forum social européen de Londres, interrogations sur l’avenir du mouvement altermondialiste
Philippe Mudry: première collaboration avec Cécile -surveillez la demoiselle, elle ira loin et sera cet été sur les ondes de Radio Bleue à Pau puis cet automne stagiaire au magazine de France Inter, "Rue des Entrepeneurs"-. Sur le papier, le sujet avait l'air sympa mais une fois lachées dans la nature, quelle immense galère! Les trois quarts de nos interlocuteurs se trouvaient à l'étranger et nous n'avons jamais réussi à angler le papier comme le prof nous l'avait demandé...autrement dit un essai non transformé mais une enquête/phase préparatoire très intéréssante.
Le 18 et 19 décembre prochains se réunissent à Paris les ONG présentes au forum social européen (FSE) de Londres des 15, 16 et 17 octobre passés. L’accent a été mis lors de la rencontre sur l’opposition à la guerre en Irak. La manifestation du dimanche 17 avait ainsi été organisée autour de 4 mots d’ordre : « non à la guerre, non au racisme, non aux privatisations, pour une Europe de la paix et de la justice sociale ». Les protestations se sont multipliées chez les altermondialistes pour critiquer ce relatif délaissement des questions économiques au profit de thématiques politiques. Assisterait-on à une mutation du mouvement altermondialiste ?
"Non, à Attac nous sommes les premiers à regretter que l’on ait fait moins de place aux questions économiques et européennes" signale Christophe Ventura, chargé des Affaires Internationales à Attac. Symptôme du malaise, la participation est en baisse, Londres n'a accueilli qu’environ 20 000 visiteurs là où les FSE de Florence et de Paris en avaient attiré autour de 50 000.
Une culture anglaise de l'altermondialisme différente
Les sujets du libéralisme dans la Constitution européenne et de l’économie solidaire ont malgré tout trouvé une place équivalente à celle des autres FSE dans le programme de la réunion de Londres. Simplement, "le forum a toujours la couleur de l’étape locale où il se tient et s'est adapté au contexte anglais" explique Christophe Ventura. Ce qui a rendu le thème de la guerre en Irak particulièrement visible lors du dernier FSE.
Le 18 et 19 décembre prochains se réunissent à Paris les ONG présentes au forum social européen (FSE) de Londres des 15, 16 et 17 octobre passés. L’accent a été mis lors de la rencontre sur l’opposition à la guerre en Irak. La manifestation du dimanche 17 avait ainsi été organisée autour de 4 mots d’ordre : « non à la guerre, non au racisme, non aux privatisations, pour une Europe de la paix et de la justice sociale ». Les protestations se sont multipliées chez les altermondialistes pour critiquer ce relatif délaissement des questions économiques au profit de thématiques politiques. Assisterait-on à une mutation du mouvement altermondialiste ?
"Non, à Attac nous sommes les premiers à regretter que l’on ait fait moins de place aux questions économiques et européennes" signale Christophe Ventura, chargé des Affaires Internationales à Attac. Symptôme du malaise, la participation est en baisse, Londres n'a accueilli qu’environ 20 000 visiteurs là où les FSE de Florence et de Paris en avaient attiré autour de 50 000.
Une culture anglaise de l'altermondialisme différente
Les sujets du libéralisme dans la Constitution européenne et de l’économie solidaire ont malgré tout trouvé une place équivalente à celle des autres FSE dans le programme de la réunion de Londres. Simplement, "le forum a toujours la couleur de l’étape locale où il se tient et s'est adapté au contexte anglais" explique Christophe Ventura. Ce qui a rendu le thème de la guerre en Irak particulièrement visible lors du dernier FSE.
C’est tout d’abord la faiblesse du mouvement anti-libéral en Angleterre qui explique cette situation. De l’autre côté de la Manche, c’est le mouvement anti-guerre qui est bien installé. La guerre en Irak est de plus perçue au Royaume-Uni comme un conflit avant tout économique. Fabrice Collignon d'Attac Belgique regrette ainsi que les Britanniques se focalisent sur un « épiphénomène » et ne voient le conflit irakien que comme « une conséquence directe du capitalisme ».
Un FSE non démocratique
En plus des cultures politiques différentes, il faut prendre en compte la politisation extrême du FSE de Londres. Le Social Workers Party (SWP), trotskiste, a été omniprésent dans l’organisation du forum. Les ONG anglaises ont mis du temps à s’engager dans le processus de préparation du forum. A l’arrachée, trois séminaires se sont ajoutés aux thèmes de racisme et de la guerre préliminairement choisis: constitution européenne, droits sociaux et justice globale.
De même lors du forum, le SWP a envahi l’espace de drapeaux, de stands et de tracts, s’assurant des représentants dans chaque débat tandis que les ONG ont peu mobilisé leurs troupes pour leur épargner la fréquentation des trotskistes. Peu d’informations ont circulé sur les mouvements autonomes et le sommet "off" qu’ils organisaient, "Beyond ESF"[1].
Résultat de cet activisme du SWP, « des tensions qui ont dénaturé les débats » témoigne Julien Mettifeux, membre de la délégation française de l’économie sociale et solidaire. Beaucoup de participants sont rentrés scandalisés de ces pratiques. Pour Annie Poure, de l’association Droit Au Logement (DAL) et membre de No Vox[2], "Cette mainmise du politique était non démocratique et va à l’encontre de la charte de Porto Alegre qui déclare que ce sont les associations et non les partis politiques qui mènent le débat. » Lors de l’organisation de la prochaine rencontre, les altermondialistes se battront pour défendre les principes régissant les forums. Au forum mondial de Porto Alegre en janvier 2005, une nouvelle organisation va être testée. Ce seront les ONG et non plus le comité d’organisation qui décideront des thèmes des plénières.
Résistance de l’esprit altermondialiste
Les altermondialistes soulignent cependant que, selon la formule de Fabrice Collignon, "l’Irak n’a pas tout eclipsé. » Les débats autour des échanges commerciaux ont eu lieu. Pour M. Collignon, l’Irak était plus « beaucoup plus sexy et facile à publiciser pour les organisateurs" mais cela n’a pas empêché ce représentant d’Attac Belgique de participer à une table ronde sur la taxe Tobin avec des associations rencontrées au cours des précédents FSE. Pour lui, les réflexions avancent mais cela n’est rendu possible que par une collaboration qui va au delà des FSE. " Je fais partie du groupe européen sur la taxe Tobin, on est tout le temps en contact, on échange des courriers académiques, on se réunit quatre fois par ans" dit-il.
La fin des forums ?
Au-delà des obstacles liés au contexte britannique, les doutes des altermondialistes européens viennent d’abord de ce que la tâche qu’ils se sont assignée n’a rien de simple. « C’est compliqué de changer les choses ; on aurait réussi depuis longtemps si c’était facile » rappelle ainsi Jean-Michel Joubier de la CGT. La diversité du mouvement altermondialiste, décrit par Annie Poure comme « une sculpture de Kaldor, des mobiles évoluant autour d’une tige », est un second facteur de complexité. Les différents participants du dernier FSE mettent le doigt sur les mêmes difficultés.
Quelle conclusion en tirer ? Tandis qu’Attac ou Annie Poure de No Vox veulent sortir du système des forums tel qu’il a existé à Londres, d’autres comme Bernard Pinaud, délégué général du Centre de Recherche et d’Information sur le développement (CRID) soulignent les avantages du forum. Ce n’est donc pas la fin des FSE : le prochain se tiendra à Athènes, mais seulement mi 2006 et non fin 2005. Le temps pour les animateurs des forums de « sortir la tête du guidon » selon les termes de Christophe Ventura d’Attac.
Entre lenteurs et avancées
Les commentaires du dernier forum social européen ont pourtant été bien négatifs, tant dans la presse que parmi les participants. « Le forum social européen doit passer la seconde » déclare par exemple Julien Métiffeux. Beaucoup d’organisations qui ont participé au FSE de Londres en font un bilan mitigé. La principale critique contre le système des forums, ce sont ses difficultés pour ébaucher des alternatives solides au libéralisme économique. Jean-Michel Joubier, de la CGT, le rappelle pourtant : « le forum social n’est pas un lieu de propositions, mais un espace de discussion. » Dès le début néanmoins, les altermondialistes organisent des forums pour peser sur les processus économiques à l’œuvre.
Leurs efforts en la matière ont porté leurs fruits. En témoigne la reprise des thématiques développées lors des forums sociaux par les autorités politiques. En mai dernier par exemple, Jacques Chirac réunissait un groupe de travail sur les nouvelles contributions financières internationales[3]. Les batailles gagnées par les altermondialistes dans les ministères ou à l’OMC sont encore modestes mais elles se multiplient. Enfin, la principale victoire du mouvement altermondialiste pour Christophe Ventura d’Attac, c’est d’être parvenu à « une vraie prise de conscience de l’opinion » concernant la mondialisation.
Le défi de la réforme
L’insatisfaction devant la lenteur des progrès persiste malgré tout. Le débat ne concerne pas que les forums sociaux européens. A l’échelle mondiale, la participation de pays émergents comme le Brésil, la Chine ou l’Inde à l’économie globale, interroge le courant. « L’allégeance de Lula aux dogmes internationaux nous laisse un peu pantois » avoue ainsi Christophe Ventura pour Attac. Une attitude critiquée par les autres acteurs du dernier forum européen. « A Attac, ce sont des naïfs » commente ainsi Jean-Michel Joubier de la CGT.
Aujourd’hui, le vrai défi des altermondialistes d’Europe et d’ailleurs c’est de réussir à concrétiser leurs idées en faisant bouger les choses à la base dans chaque pays. Plus qu’une évolution des discours, il s’agit bien de la nécessité d’adapter les méthodes de travail à la réalisation des objectifs. Lors de la rencontre de décembre, il faudra, selon les mots de Bernard Pinaud, « mener une réflexion sur l’ensemble du processus », et ce, avant le forum d’Athènes.
Cécile Fandos et Constance Jamet
7915 signes
[1] « Au delà du FSE », sommet parallèle organisé entre autre par No Vox.
[2] « No Vox » groupement d’associations des « sans » : sans papiers, DAL, paysans sans terre etc.
[3] La table ronde était présidée par Jean-Pierre Landau, conseiller financier de la mission économique de l’ambassade de France à Londres.
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