FRANCOIS GOULARD ET LES (50) VOLEURS DE MOTS
Anna Bitton : J'ai été très surprise en exhumant cet article, j'avais complètement oublié son existence et je serai bien en mal d'y accoler un quelconque jugement de valeurs. Ce bébé a encore dû être conçu dans la précipitation! Une amnésie imputable au fait que nous n'ayons pas eu, à ma connaissance, de retour sur ce travail. Pour nous mettre dans la peau d'un véritable journaliste politique, Anna Bitton nous avait invité rien que pour nous un UMP et un PS, le strauss-khanien, Cambadélis (au final absent) à interviewer sur le thème très actuel (cf. Segolène et Nicolas, qui pique à droite et à gauche de leurs electorats respectifs!) des vols de mots en politique ou comment certaines valeurs de gauche se font la malle à droite et inversement dés que les politiques les mettent dans leurs bouches.
« Les mots ne sont que des outils de différenciation. A l’instar des marques, c’est le packaging, l’emballage de tout programme », proclame François Goulard. Invité par l’école de journalisme de Sciences-Po, le secrétaire d’Etat aux Transports et à la Mer ne mâchait pas les siens. Jeudi 20 janvier, l’ancien parlementaire DL du Morbihan devait croiser le fer avec une autre fine rapière de la politique française, Jean-Marie Cambadélis, député socialiste parisien. L’objet de cette « dispute » ? Le braconnage des mots et des valeurs empruntés par la droite à la gauche, et vice-versa. Mais un accident de la circulation et l’absence consécutive du lieutenant de DSK transformeront le duel en monologue. Une occasion pour François Goulard de dresser le tableau de la chasse aux mots de la droite et du gouvernement.
Premier exemple analysé à la loupe : le leitmotiv de la présidentielle de 1995, la « fracture sociale », ramené dans sa gibecière par le chef de l’Etat. Le secrétaire d’Etat du gouvernement Raffarin voit dans ce choix sémantique un coup de maître. En rupture avec la tradition en vigueur à droite, se plaçant à la gauche de la droite, Jacques Chirac remporta sa primaire face à un Edouard Balladur classique, trop classique qui occupait un créneau à la droite de la droite. Quant à savoir si derrière ces mots volés à la gauche se cachait une véritable volonté politique ou s’il s’agissait d’une simple manœuvre politique, François Goulard est plus réservé. « Il y a eu très vite un problème dans cette stratégie… la dichotomie entre une campagne résolument ancrée à gauche et les mesures du gouvernement Juppé tournées vers la rigueur pour satisfaire les critères économiques de l’entrée dans la zone euro ». Par contre, il ne doute pas de la sincérité du président à propos de sa dernière emplette. L’intérêt que Jacques Chirac porte aux problèmes écologiques tels que la biodiversité ou le développement durable répond à une conviction profonde. Ces valeurs venues de la gauche, il a dû les imposer à son propre camp.
Autres politiciens de droite passés au crible de François Goulard, Nicolas Sarkozy et l’actuel premier ministre. Si le locataire de la rue de la Boétie tire, pour l’instant, habilement son épingle du jeu, la réussite du second est plus mitigée. Le nouveau chef de l’UMP joue de ses talents d’alchimiste et d’équilibriste. Sa rhétorique à l’hypercentre de l’échiquier politique chasse aussi bien sur les terres de la droite que de la gauche. « C’est le Yin et le Yang de la politique, sur un même thème, il couvre tout le spectre, de la gauche et la droite. Alors qu’il tient un discours sécuritaire, il dérobe à la gauche la thématique de la double peine. Il est un libérale toutefois il se fait le chantre une politique industrielle ! », plaisante Jean-François Goulard mais il ajoute malicieusement : « reste à savoir si cette excitation sémantique durera… ». En revanche, les cambriolages de substantifs de Jean-Pierre Raffarin le laissent sceptique. Depuis fin 2004, il mène une croisade contre la « vie chère ». Une reprise au vocabulaire cégétiste qui ne convainc qu’à moitié le secrétaire d’Etat. La lutte autour de ce thème est rude. Si la gauche a abandonné volontairement le thème du travail, elle fait de la résistance et contre attaque sur le plan des salaires. Obstacle supplémentaire, l’offensive lancée par la droite sur le pouvoir d’achat patine, la notion reste neutre et n’est l’apanage de personne. En marge de ce kidnapping, François Goulard relève également un glissement sémantique concernant la politique économique du gouvernement « Depuis 2 ans, la droite pratique une politique keynésienne de soutien à la demande, on baisse les impôts, on favorise la consommation, les salaires, on intervient dans l’économie. Cette tactique est révélatrice d’options politiques implicites ».
A l’image de cette tentative mi-figue, mi-raisin, François Goulard ne relève pas que des bons mots. Les hold-ups de la droite se concluent parfois par des échecs voire des aberrations. Il y a les mots limés jusqu’à la corde comme « réforme ». Pour le proche d’Alain Madelin, le premier ministre en a trop usé. Dans les faits, ce mot est devenu synonyme d’arnaque, de rigueur supplémentaire et non pas d’amélioration. Il y a aussi les mots tabou. Le mot « libéral » a fait un flop complet dans la vie politique française. « Ce concept n’est pas vendeur, le marché c’est la non action du politique. La France a une vieille tradition anti-libéral, nous n’avons jamais été un peuple de marchands comme l’Angleterre ! », sourit-il. Enfin, il y a les mots dénaturés, phénomène contre lequel François Goulard s’insurge. En ligne de mire, la vogue et dérive sémantique du mot « citoyen ». Certains hommes de droite ont adopté la terminologie de la gauche : un citoyen porteur d’une responsabilité morale afin de protéger de la chose publique. « C’est une contradiction flagrante avec l’idéologie de la droite où l’individu est premier et la société seconde. J’ai dit, stop ! », vitupère-t-il.
D’où la nécessité pour la droite, de mettre en place une cellule de veille sémantique d’autant que ces conquêtes de vocabulaire, comme les autres, ne sont jamais définitives. Les mots vont et viennent entre chaque pôle. Et de conclure sur le ton badin qui est le sien depuis le début de son intervention : « On devrait avoir à l’UMP une direction marketing de la sémantique ! »
Premier exemple analysé à la loupe : le leitmotiv de la présidentielle de 1995, la « fracture sociale », ramené dans sa gibecière par le chef de l’Etat. Le secrétaire d’Etat du gouvernement Raffarin voit dans ce choix sémantique un coup de maître. En rupture avec la tradition en vigueur à droite, se plaçant à la gauche de la droite, Jacques Chirac remporta sa primaire face à un Edouard Balladur classique, trop classique qui occupait un créneau à la droite de la droite. Quant à savoir si derrière ces mots volés à la gauche se cachait une véritable volonté politique ou s’il s’agissait d’une simple manœuvre politique, François Goulard est plus réservé. « Il y a eu très vite un problème dans cette stratégie… la dichotomie entre une campagne résolument ancrée à gauche et les mesures du gouvernement Juppé tournées vers la rigueur pour satisfaire les critères économiques de l’entrée dans la zone euro ». Par contre, il ne doute pas de la sincérité du président à propos de sa dernière emplette. L’intérêt que Jacques Chirac porte aux problèmes écologiques tels que la biodiversité ou le développement durable répond à une conviction profonde. Ces valeurs venues de la gauche, il a dû les imposer à son propre camp.
Autres politiciens de droite passés au crible de François Goulard, Nicolas Sarkozy et l’actuel premier ministre. Si le locataire de la rue de la Boétie tire, pour l’instant, habilement son épingle du jeu, la réussite du second est plus mitigée. Le nouveau chef de l’UMP joue de ses talents d’alchimiste et d’équilibriste. Sa rhétorique à l’hypercentre de l’échiquier politique chasse aussi bien sur les terres de la droite que de la gauche. « C’est le Yin et le Yang de la politique, sur un même thème, il couvre tout le spectre, de la gauche et la droite. Alors qu’il tient un discours sécuritaire, il dérobe à la gauche la thématique de la double peine. Il est un libérale toutefois il se fait le chantre une politique industrielle ! », plaisante Jean-François Goulard mais il ajoute malicieusement : « reste à savoir si cette excitation sémantique durera… ». En revanche, les cambriolages de substantifs de Jean-Pierre Raffarin le laissent sceptique. Depuis fin 2004, il mène une croisade contre la « vie chère ». Une reprise au vocabulaire cégétiste qui ne convainc qu’à moitié le secrétaire d’Etat. La lutte autour de ce thème est rude. Si la gauche a abandonné volontairement le thème du travail, elle fait de la résistance et contre attaque sur le plan des salaires. Obstacle supplémentaire, l’offensive lancée par la droite sur le pouvoir d’achat patine, la notion reste neutre et n’est l’apanage de personne. En marge de ce kidnapping, François Goulard relève également un glissement sémantique concernant la politique économique du gouvernement « Depuis 2 ans, la droite pratique une politique keynésienne de soutien à la demande, on baisse les impôts, on favorise la consommation, les salaires, on intervient dans l’économie. Cette tactique est révélatrice d’options politiques implicites ».
A l’image de cette tentative mi-figue, mi-raisin, François Goulard ne relève pas que des bons mots. Les hold-ups de la droite se concluent parfois par des échecs voire des aberrations. Il y a les mots limés jusqu’à la corde comme « réforme ». Pour le proche d’Alain Madelin, le premier ministre en a trop usé. Dans les faits, ce mot est devenu synonyme d’arnaque, de rigueur supplémentaire et non pas d’amélioration. Il y a aussi les mots tabou. Le mot « libéral » a fait un flop complet dans la vie politique française. « Ce concept n’est pas vendeur, le marché c’est la non action du politique. La France a une vieille tradition anti-libéral, nous n’avons jamais été un peuple de marchands comme l’Angleterre ! », sourit-il. Enfin, il y a les mots dénaturés, phénomène contre lequel François Goulard s’insurge. En ligne de mire, la vogue et dérive sémantique du mot « citoyen ». Certains hommes de droite ont adopté la terminologie de la gauche : un citoyen porteur d’une responsabilité morale afin de protéger de la chose publique. « C’est une contradiction flagrante avec l’idéologie de la droite où l’individu est premier et la société seconde. J’ai dit, stop ! », vitupère-t-il.
D’où la nécessité pour la droite, de mettre en place une cellule de veille sémantique d’autant que ces conquêtes de vocabulaire, comme les autres, ne sont jamais définitives. Les mots vont et viennent entre chaque pôle. Et de conclure sur le ton badin qui est le sien depuis le début de son intervention : « On devrait avoir à l’UMP une direction marketing de la sémantique ! »
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