Friday, March 25, 2005

Charles Baron vu par sa femme...(2)

Alain Genestar : Même si se raturer, se racourcir fut douloureux. Cette version abrégée demeure ma préférée, débarassée de tout le superflu pour n'aller qu'à l'essentiel. Un des rares textes que je renie pas et qu'au contraire j'accueille dans mes bras. Merci Alain!

Charles Baron vu par sa femme : l’homme qui a traversé la mort et n’en est jamais revenu

Sur le sol enneigé de Pologne, Micheline est emmitouflée dans une longue parka noire. Elle accompagne son colosse de mari. Elle reste quelques mètres en arrière, prête à le soutenir. « Charles, il a tout mon regard, toute mon admiration ».

Ce duo synchrone dure depuis 55 ans. En 1948, Micheline rencontre Charles dans un cour de danse. Deux ans plus tard, elle lui demande de l’épouser. Il refuse : les stigmates de la déportation sont trop proches. Il porte encore un corset et lui assure qu’il ne passera pas l’année. Qu’importe pour Micheline.

Il lui confie sans réticence tous ses souvenirs d’Auschwitz. Elle le comprend. A l’instar de Charles dont les parents sont morts à Auschwitz, Micheline y a perdu son père. Ils sont désormais de tous les combats : fils et filles de déportés, amicale d’Auschwitz...

« Il faut que les gens écoutent et sachent et ils peuvent le faire d’autant mieux lorsqu’ils ont en face d’eux quelqu’un qui a vécu le drame », analyse Micheline. Charles va témoigner en Pologne au moins deux fois par an. Des visites qui tourmentent Micheline : « Chaque fois qu’il revient, même s’il a l’air de rester composé, il est détruit et vide ». Un rythme qui a poussé Micheline à lui demander de diminuer la cadence avant de raccrocher sa veste dans les deux ans qui viennent.

Cet héritage est difficile à porter pour leurs deux filles. Ce n’est qu’en janvier que l’aînée a exprimé son malaise devant cette omniprésence du génocide. Une pièce de leur appartement parisien y est entièrement consacrée. La jeune fille a demandé à son père d’en discuter entre quatre yeux. Sa mère reconnaît aujourd’hui qu’elle n’avait rien remarqué. « Je pensais que si elle consultait un psychologue c’était parce qu’ un petit ami l’avait quittée. Peut-être en a-t-on trop parlé ».

La guerre et ses souvenirs sont gravés dans la chair. Comme cette manie qu’a Charles, lui qui a tant souffert de la faim durant sa déportation, de ne pouvoir s’endormir sans nourriture et sans un verre de lait sur la table de nuit. « Nous n’avons jamais laissé la guerre derrière nous pour aller de l’avant. Comme je n’accepterai jamais la mort de mon père, Charles, lui, affirme souvent qu’il n’est jamais sorti des camps »

2200 signes
Constance Jamet

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