Corse : les associations dénoncent le transfert
Les 124 clandestins, découverts vendredi sur sur une plage corse, ont été transférés vers six centres de rétention administrative en métropole. La Ligue des droits de l'homme dénonce un transfert «illégal».
Vingt-quatre heures après avoir été trouvés sur la plage de Paragano, près de Bonifacio, les 124 migrants débarqués par des passeurs ont quitté la Corse samedi. Leur transfert vers des centres de rétention administrative de l'Hexagone a commencé tôt le matin. A 7h30, un premier bus a quitté le gymnase de Bonifacio où ces 57 hommes, 29 femmes dont cinq enceintes, 29 enfants et neuf nourrissons avaient passé la nuit. Ils ont été conduits à la base aérienne de Ventiseri-Solenzara à environ 80 km de Bonifacio. Un premier groupe de soixante clandestins, répartis dans trois avions, a décollé de l'île de Beauté.
Faute d'une capacité suffisante sur l'île de Beauté, les réfugiés sont envoyés dans des centres de Marseille, Lyon, Lille, Nîmes, Rennes et Toulouse. Le CRA du Canet, dans le XIVe arrondissement de Marseille devrait accueillir vingt personne et celiui de Lyon dix. La rapidité de leur transfert a surpris le délégué régional de la Ligue des droits de l'Homme, qui devait rencontrer samedi matin les réfugiés et les autorités locales. «J'avais rendez-vous avec le préfet notamment et on a engagé les opérations avant d'honorer ce rendez-vous, c'est scandaleux!», a déploré André Paccou. Pour la LDH, ce transfert en CRA est d'ailleurs «illégal».
«Le droit est bafoué, il y a détournement de la loi», a également martelé Jean-Paul Nunez, délégué national de la Cimade en Languedoc-Roussillon. «Dans l'ordre des choses, d'abord on traite les dossiers de demande d'asile et après éventuellement, on place en CRA. Là, c'est l'inverse qui a été choisi». Pour SOS Soutien aux sans-papiers, «on n'a pas le droit de les placer en CRA, car ce sont des réfugiés et ils ne sont donc pas expulsables». Enfin Pierre Henry, directeur général de France Terre d'asile, relève que «le choix de transférer (les migrants) vers des lieux privatifs de liberté complique la tâche des défenseurs des droits», qui ont «peu de temps pour déposer les recours», a-t-il expliqué.
De son côté, le ministre de l'immigration Eric Besson promet que la situation de chacun des migrants sera examinée «au cas par cas». Il ne saurait être question de reconduite immédiate à la frontière. Le ministre précise qu' à leur arrivée dans ces centres, les clandestins «bénéficieront des services d'un interprète, d'une visite médicale, d'une information sur les dispositifs d'aide au retour volontaire et d'une assistance juridique».
L'enquête cible deux bateaux suspects
Sans papiers, leur nationalité n'a pas pu être établie avec certitude mais ces réfugiés, qui sont dans un état de santé satisfaisant, se présentent dans leur majorité comme des Kurdes venant de Syrie. Les autres affirment provenir du Maghreb.Les migrants seraient partis de Syrie en camion avant d'arriver en Tunisie où ils auraient embarqué sur un cargo russe. Ce navire les a probablement débarqués à l'aide de petites embarcations, précise le préfet.
Les clandestins n'avaient, selon le procureur, pas la France comme destination. Ils espéraient se rendre en Suède ou en Norvège pour y trouver du travail. Ils auraient versé à leurs passeurs de 2.500 à 10.000 euros pour ce périple à travers la Méditerranée. Toutefois les circonstances et la date de leur arrivée demeurent floues. Le groupe aurait été débarqué sans doute jeudi soir mais il n'est pas exclu que ce débarquement ait eu lieu avant. L'isolement de la plage de Paragano expliquerait que les clandestins n'aient été découverts que vendredi matin.
Après s'être assurées qu'aucun autre bateau ne s'apprêtait à déposer des immigrés supplémentaires sur le littoral corse, la priorité des autorités est de retrouver l'embarcation des passeurs. Deux bateaux susceptibles d'avoir débarqué les réfugiés ont été reperés. Le premier navigue dans les eaux internationales. Il doit être contrôlé par les douanes italiennes mais la piste est peu prometteuse, notait samedi le ministère de l'immigration. Le parquet d'Ajaccio a d'ores et déjà ouvert une information judiciaire pour «aide à l'entrée et au séjour d'étrangers en situation irrégulière en bande organisée».
Le précédent de l'East Sea en 2001
C'est la première fois que la Corse est confrontée à un débarquement massif de clandestins sur ses côtes. Eric Besson va proposer à la présidence espagnole de l'Union européenne d'organiser un sommet de crise sur l'immigration clandestine.
Un précédent s'était déjà produit en 2001 dans le Var. Dans la nuit du 17 au 18 février, un vieux vraquier rouillé battant pavillon cambodgien, le «ZHDE East Sea», s'était échoué sur une plage de Boulouris, à l'est de Saint-Raphaël. A l'intérieur, les sauveteurs avaient découvert 910 Kurdes, dont 480 enfants, hébergés à fond de cale dans des conditions insalubres. En 2008, les passeurs, huit Syriens et un Libanais, avaient été condamnés à des peines d'un à dix ans de prison.
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