L’Amérique vue d’un camion
Du haut de son bahut, Sandra sillonne le Canada et les Etats-Unis et livre ses impressions sur la route, « arrière-scène de la société de consommation ».
Visiter les provinces canadiennes enneigées du Manitoba et de l’Alberta, découvrir l’Amérique plus rude de la Géorgie au Kansas sans quitter son fauteuil, c’est l’invitation au voyage que propose "Camionneuse". Depuis décembre 2005, Sandra Doyon fait partager aux internautes ses périples sur les autoroutes de l’Amérique du Nord, au volant de Fuego, son camion rouge. Des carnets de voyage très éloignés des sentiers touristiques. « Les séjours pour apercevoir des monuments ou des paysages m’intéressent moins, j’en vois défiler tous les jours. Je voyage pour aller à la rencontre de l’autre : découvrir l’urbanisme, l’architecture et la culture pour avoir une vision d’avenir sur ma ville et voter en conséquence » confie au figaro.fr cette Québécoise d’une trentaine d’années.
Sur "Camionneuse", donc, aucune croisière bucolique sur le Saint-Laurent mais une plongée dans le mall d’Edmonton, le plus grand centre commercial du monde, l’occasion de ressentir le dynamisme économique de l’Alberta. On y apprend encore que Calgary est la ville canadienne la plus à la pointe du développement durable. Quand Sandra passe la frontière avec le voisin américain, elle évoque la pollution –le smog s’étend sur 150km- et la pauvreté d’El Paso (Texas) ou encore cette loterie au Kansas, dont les prix allaient d’un VTT à une mitraillette et « un coffre fort pour mettre ses armes à feu en sécurité, à l’abri des terroristes et des enfants ». Au final, "Camionneuse", attire jusqu’à 500 fans chaque jour. Sandra a même animé, l’hiver dernier, une chronique mensuelle sur Télé-Québec, intitulée « La mondialisation vue d’un camion », vision «poético-économique» de la «délocalisation de l’économie. Un succès surprenant pour cette camionneuse, ancienne étudiante en tourisme et guide francophone, qui ne s’est mise au blog que pour faire mieux connaître son métier à ses proches...
Un succès écrasant
Sur la route, Sandra dicte ses impressions de voyage sur un enregistreur numérique. « Des bouts de phrases, des faits cocasses, je décris les animaux, le ciel, la route, sans oublier les odeurs, les couleurs, les saveurs. C’est plus authentique, parce que c’est du réel en direct. » Lorsque son compagnon Richard - qui travaille avec elle - la relaie au volant, elle retranscrit et rédige, une tâche harassante. La méthode est ambitieuse lorsque l’on sait que leurs missions de livraison durent une dizaine de jours. Conduisant à deux, l’autre bout de l’Amérique est toujours à moins de trois jours de route. Plusieurs allers-retours (soit 15.000 km !) sont effectués entre le Canada et les États-Unis avant de rentrer au bercail, Montréal.
Ce rythme finit par épuiser Sandra, qui décide en juillet d’arrêter son blog. L’industrie du camion traverse une phase difficile, le choix et l’intérêt des destinations s’amenuisent. Bloguer suppose aussi de s’arrêter en chemin pour trouver une connexion. Ces pauses rallongeaient la journée de travail, ce qu’elle trouve injuste pour Richard. Surtout, Sandra entend publier un livre qui compilera toutes ses expéditions. Des éditeurs québécois l’ont contactée. « J’avais besoin de me libérer la tête de tous les commentaires. Les lecteurs imposent toujours de la pression sans le savoir et je m’en mettais aussi. Ça devenait contreproductif » analyse la routière, qui aimerait bien aussi trouver une maison d’édition française pour toucher toute la francophonie. A l’avenir, Sandra envisage de reprendre des études de communication afin de devenir reporter, quitte à retourner de temps en temps sur l’asphalte avec Fuego pour arrondir ses fins de mois...