Arte revisite les États-Unis désenchantés des années
1960-1970 à travers le film de Sofia Coppola « Virgin Suicides » et un portrait
de l'écrivain William Burroughs.
Pendant vingt-huit ans, elle fut fille de, avant de gagner ses galons de
réalisatrice la plus douée de sa génération dès son premier long-métrage,
Virgin Suicides. Arte diffuse, ce mercredi soir, l'oeuvre culte de
Sofia Coppola, suivie d'un portrait de l'écrivain de la Beat generation William
S. Burroughs.
En 1999, la fille du réalisateur du
Parrain prenait
les cinéphiles par surprise avec cette adaptation de la nouvelle éponyme de
Jeffrey Eugenides sur la mort à petit feu de cinq soeurs belles et blondes comme
les blés, étouffées par une mère puritaine.
Dans la ville cossue de Grosse
Pointe dans le Michigan des années 1970, les soeurs Lisbon, Therese, Mary,
Bonnie, Lux et Cecilia, fascinent les adolescents de leur quartier. Angéliques
comme des héroïnes de tableaux préraphaéliques, elles vivent à l'abri du monde
extérieur, surprotégées par une mère bigote et un père effacé (James Woods et
Kathleen Turner, géniaux). L'isolement est brutalement rompu quand Cecilia,
Cassandre des tragédies à venir, s'ouvre les veines du haut de ses 13 ans.
Ébranlés par le geste de leur benjamine, les Lisbon desserrent leur étau et
autorisent leurs filles à inviter des camarades pour une boum. La fête tourne
court quand Cecilia se tue pour de bon en se défenestrant.
Dès lors, les
Lisbon deviennent pour leurs jeunes voisins énamourés des fantasmes, des
vestales sacrificielles à aimer et à observer de loin, en particulier Lux
(Kirsten Dunst), lolita aguicheuse qui retient l'oeil du Don Juan de l'école,
Trip Fontaine. Une attraction aux répercussions fatales.
Sur ce drame
intimiste, Sofia Coppola tisse un film d'une immense sensibilité baignant dans
une atmosphère irréelle, portée par la musique planante et mélancolique du
groupe français Air. À travers une cinématographie sépia saturée de doré,
d'orange et de vert, Sofia Coppola immortalise la fin de l'innocence enfantine,
le spleen de l'adolescence, les premiers émois amoureux et les cruelles
désillusions qui s'ensuivent.
Beauté plastique
Les images s'égrènent tel un kaléidoscope : un champ l'été, une licorne née
de l'imagination de Cecilia, les projecteurs d'un bal de lycée. Un rêve éveillé
prêt à tout moment à basculer dans le cauchemar.
Virgin Suicides est
une belle revanche pour Sofia Coppola, qui a mis du temps à trouver sa voie,
après des débuts fort raillés en actrice dans le
Parrain 3. La fille de
Francis Coppola avait au départ adapté « à titre d'exercice » le livre de
Jeffrey Eugenides sur un coup de coeur sans en avoir même les droits. Bien lui
en a pris. Elle signe une oeuvre d'une grande beauté plastique au contenu
dérangeant et onirique.
Cette « touche Sofia » se retrouvera dans toutes ses
oeuvres suivantes, de
Marie-Antoinette à
Somewhere en passant
par
Lost in Translation, qui lui a valu ses premières nominations aux
Oscars.
Virgin Suicides a aussi révélé une comédienne prometteuse,
Kirsten Dunst, qui avait marqué les esprits en buveuse de sang dans
Entretien avec un vampire. Un embryon de femme fatale, sublimée une
décennie plus tard par Lars von Trier dans
Melancholia.
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